Développant la technique du livre animé initié dans notre précédent spectacle, "Super Elle" explore l'univers de l'enfance à travers la figure du Super-héros, à l'âge où le détournement par l'imaginaire permet de mieux affronter les réalités effrayantes ou douloureuses.
Super Elle, c’est l'histoire d'une super héroïne.
Une histoire qui parle du monde de l’enfance, de la pensée magique si chère aux enfants (et à certains adultes aussi!), de l’imbrication de chaque événement passé ou futur dans leur univers, de leur gestion du temps et des émotions.
Une histoire qui parle de leur capacité à transcender, au travers de leurs jeux et de leurs rêves, les grandes peurs (peur de la séparation, de la maladie, de la mort des parents, etc…).
Une histoire qui parle de courage, du désir de dominer leurs peurs, des étapes dans leur vie qui les poussent à se connaître mieux, à s’assumer, et qui les font grandir.
Petite introduction
Qu’est-ce qu’un super héros ? A quoi ça sert ? Qu’est-ce que l’on peut faire quand on est super héros ? Est-ce que tout est possible ? Pourquoi est-on ou devient-on un super héros ? Et en dehors de Superman, Spiderman etc, est-ce qu’il existe un super héros inconnu ?
Après une première rencontre avec des enfants de 2 à 8 ans autour de séances de dessins, de leurs lectures préférées, de discussions sur leurs super héros favoris, la recherche s’est poursuivie du côté des illustrateurs, de leurs propositions pour le jeune public et bien sûr des histoires même de super héros pour adultes.
L’écriture du spectacle est partie de tout cela et a continué de se nourrir des étapes de travail dans le processus de création.
Les super-héros, que l'on rapproche souvent des héros mythologiques, représentent des symboles. S'ils fascinent autant de générations, paraissant ainsi indémodables, c'est parce qu'ils sont comme "une partition musicale qui n'est jamais déchiffrée une fois pour toutes, mais qui appelle une exécution toujours nouvelle".
Fouillet A - De Dédale à Batman : étude sur un imaginaire contemporain : les super-héros
« …On remarque qu'effectivement la plupart des super héros sont orphelins. La confrontation à la mort génère un sentiment d'impuissance… Les super-pouvoirs sont une défense contre ce sentiment d'impuissance, très difficile à vivre… Les actions des super-héros s'apparentent ainsi à des compensations par rapport aux blessures et traumatismes vécus… Le processus qui "permet" de devenir un super-héros… est un moyen d'aller du côté de la vie, à la rencontre des autres, un moyen de faire quelque chose de la perte ou d’un traumatisme... Le super-héros est actif et transforme sa souffrance en quelque chose de positif… » Selma Rogy, psychologue
« …Un processus de transformation radicale, il y a un avant et un après… Le super-héros devient à jamais différent. Il lui faut apprivoiser sa différence, apprendre à vivre avec et trouver un nouvel équilibre en développant notamment, et c'est qui est mis en avant dans les vies des super-héros, de nouvelles aptitudes... Le processus de cicatrisation de la blessure initiale peut être source de développement et de dépassement personnel. Dans tous les cas, cela nous invite à ne pas considérer l'orphelin (certains super héros) avec pitié comme une victime mais comme un être humain porteur d'un potentiel de résilience qui peut nous surprendre et forcer notre admiration… » Cécile Séjourné, psychologue
Photo ©Erika Irmler
1 - Liberté, désir et ouverture sur le monde / le monde des émotions
Un spectacle dès 2 ans autour du thème des super héros?
Après cette belle aventure qu’est encore aujourd’hui le « Pop-up Cirkus », le projet d’un nouveau spectacle à partir du matériau pop-up s’est naturellement imposé, pour cette fois explorer l’univers de l’enfance autour d’un sujet incontournable : Le monde des supers héros, avec le pari que enfants et parents se reconnaissent et soient touchés.
L’intérêt et la compréhension d’un enfant de 2 ans sont différents de ceux d’un enfant de 4 à 5 ans. C’est pourquoi le spectacle propose une lecture sur plusieurs niveaux.
Le spectacle se déploie, évolue visuellement et offre aux tous petits une belle porte d’entrée visuelle vers le monde des super héros.
Pour les « plus grands », La maladie de la mère sera « entendue » selon l’âge et les capacités de l’enfant. C’est elle qui déterminera les super pouvoirs de Lisa. Elle est abordée simplement et directement.
« Pour qu’une histoire accroche vraiment l’attention de l’enfant, il faut qu’elle le divertisse et qu’elle éveille sa curiosité. Mais, pour enrichir sa vie, il faut en outre qu’elle stimule son imagination, qu’elle l’aide à développer son intelligence et à voir clair dans ses émotions; qu’elle soit accordée à ses angoisses et à ses aspirations ; qu’elle lui fasse prendre conscience de ses difficultés, tout en lui suggérant des solutions aux problèmes qui le troublent. » Bruno Bettelheim dans Psychanalyse des contes de fées
La mort, la maladie, les grands traumatismes dans les histoires des supers héros sont à l’origine de la naissance de leurs supers pouvoirs.
La maladie porte en elle les notions de manque, de séparation, de solitude, et de mort possible. Ces notions font partie des grandes peurs chez l’homme et particulièrement chez les petits.
Comment devenir plus fort pour faire face à la difficulté ? L’éternité, l’amour, l’invincibilité… N’est-ce pas ce qui nous taraude tous?
Dès la première page, on rencontre Lisa qui reçoit un cadeau d’anniversaire et puis, on entend parler de la maladie de sa maman. A la dernière page, la famille est là réunie et commence ensemble une journée très spéciale.
Entre ces pages, il y a pour Lisa, le temps de la fantaisie et du possible, le temps du traitement de l’information, le temps d’apprivoiser un possible manque, un temps de lutte « pour devenir la reine de toutes les choses sauvages », comme dirait Maurice Sendak. Lisa devient Super L.
« La fantaisie reste la meilleure arme dont l’enfant dispose pour apprivoiser ses parties sauvages. » Maurice Sendak.
2 – Du livre aux acteurs
A deux ans et plus, les petits ont déjà fait la connaissance de l’objet livre. Ici le livre est un objet qui fait terriblement envie à tous parce qu’il est énorme et qu’il se déploie. Le voir dans une si grande dimension peut être en soi une véritable découverte, un vrai bousculement émotionnel, positif.
L’album, dès son ouverture, devient le décor du spectacle, se faisant presque oublier au fil des pages. Il devient monde, espace de circulation, support de l’émotion.
Le dialogue entre l’illustration, le monde du livre et le jeu d’acteur est passionnant. Du livre pop-up, l’image surgit et les 2 acteurs mettent en mouvement textes, formes et personnages, transformant le livre en un espace du jeu, un espace du possible, apportant vie dans le relief.
La première page et la dernière page représentent l’intérieur de la maison, le lieu de la famille, le cocon.
Dans les trois pages intermédiaires, la maison restera au centre de l’image dans un zoom arrière, à la fois point de référence, lieu de l’intime, le lieu d’ancrage, notre maison intérieure, mais se réduisant au fur et à mesure que l’on grandit, selon le besoin « d’aller voir ailleurs ».
Incarner, nommer, préciser, développer, « lire en grand » ce que l’image nous propose…
Une manière de s’installer autrement dans une image et de la vivre pleinement, peut-être à contre-pied du flux d’images numériques auxquels les enfants peuvent être soumis très tôt ?
3 - Univers scénographique et marionnettique
Dans ce livre très grand, la technique du pop-up est impressionnante. Dans certaines pages, les espaces bougent, les immeubles s’ouvrent, se transforment selon les besoins de l’histoire.
L’univers est celui du dessin, avec des inserts photographiques, des tissus, du papier japonais à motif, etc… La rencontre de ces matériaux graphiques crée un espace entre la réalité et le rêve, dans lesquels sont mis en miroir l’espace de Lisa, l’espace des comédiens, et l’espace du public.
Les marionnettes sont bi ou tridimensionnelles. La tri-dimension crée le pont entre les comédiens et l’univers de l’aplat, la bi-dimension.
Le livre est adapté à la taille des marionnettistes, au jeu des deux comédiens.
4 – Parti pris dans la narration
L’enfant est au centre de la famille. C’est lui qui, en grandissant, repousse les murs de l’espace familial et détermine l’espace de vie. Il y a la naissance, les premiers mois, la poussette, les premiers pas, l’école, etc… La vie sociale de la famille s’accorde au développement de l’enfant.
L’enfant fait, refait, vit et revit ce qu’il a vu, entendu, éprouvé. Par l’observation, le jeu, la rêverie, les rêves même, au fur et à mesure qu’il grandit, l’enfant explore le monde autour de lui et agrandit sa sphère. Sa fantaisie, sa capacité de re-jouer, son imagination lui permettent de gérer ses émotions, ses peurs et les nouvelles expériences. Il acquiert de l’autonomie et des espaces nouveaux. Il sait qu’il est accompagné mais il est l’actant.
Les deux comédiens commencent le spectacle en remplissant la page vide. Ils habillent l’espace. Ils préparent la fête d’anniversaire pour Lisa. C’est comme inviter le public à entrer dans l’espace de leur histoire. Lisa est en volume dans la première page, pour ensuite entrer dans l’univers du livre animé et de l’aplat. Tout au long de l’histoire, dans un zoom arrière, sa maison se situe au centre de l’image, au centre du livre ouvert. Dans la dernière page, la narration s’approche de nous au plus près avec de nouveau la 3D. Nous pouvons fermer le livre sans fermer l’histoire. Les personnages continuent leur vie en dehors du livre. Comme nous continuons notre propre histoire.
Dans le monde de Lisa, il y a ses parents, sa maison, sa rue, sa ville. Avec ses parents toujours en périphérie, elle peut « s’évader » et explorer les limites de ce monde. Ses rêves transforment la réalité et deviennent le territoire de « tout est possible ». Ainsi, La maladie et l’hôpital s’envolent dans la nuit. Ainsi, elle est super L pour mieux faire face à tous les maux.
5 – l'univers musical
« Je suis parti sur une base de synthétiseurs des années 80 (Casiotone), de boîtes à rythmes désuètes, agrémentées d’instruments acoustiques (balalaïka, guitares, percussions). Dans une idée de musiques de facture "bon marché", j'ai composé ces morceaux en gardant en tête « l'héroïque et le chevaleresque ».
J'ai ajouté l’âme romantique, qui apporte la vibration humaine et sensible nécessaire aux super héros ». Julien Israelian